Etre Vivre et Aimer – Un stage thérapeutique

Interview de Claudia Ucros, psychologue, psychothérapeute…

 

Un article enregistré et écrit par ME Mespouille, co-animatrice du stage.

Pour notre stage, je pensais que ce serait chouette de faire une interview.

Avec plaisir.

Tu compléteras en me posant à ton tour tes questions, s’il en reste.

Allons-y !

La première question, qu’entends-tu par les mots : « stage thérapeutique » ?

Les mots : « stage thérapeutique » : c’est une bonne question (rires).

Le mot stage fait référence au mot atelier, une période pendant laquelle on se donne du temps pour faire des expériences ; un stage thérapeutique, c’est une période de découverte de soi, avec une visée thérapeutique.

Souvent, dans le mot thérapie, on entend le mot guérison, mais comme certains disent, si le médecin soigne, c’est le patient qui guérit. Notre but n’est pas de soigner les gens, mais de prendre soin de « ce qui est » dans leur vie, dans leur parcours, à partir de ce qu’ils énoncent de ce parcours, dans ce qu’ils amènent, ce qu’ils disent, la manière dont ils l’expliquent, au moment où ils viennent. Et donc, « thérapeutique » fait référence à ce qu’on fait dans une psychothérapie qui est un chemin de découvertes et d’exploration de soi : pour mieux se connaître mais aussi mieux diriger sa vie, en fonction des objectifs que l’on a.

Il y a un autre aspect qui fait référence au mot classique de guérison, c’est qu’en faisant ce travail d’exploration, il y a une transformation qui peut s’opérer. Un travail  de l’Etre, sur la manière de voir les choses, de les vivre, de les ressentir. Comment vit-on l’intensité de ses émotions, est-ce qu’on les accepte ou pas ? La manière de percevoir une situation ou soi-même ?

Dans ce stage, certaines personnes sont en thérapie, mais n’importe quelle personne en développement de soi peut participer ?

Oui, des personnes qui font du développement personnel ou qui ont été en thérapie un moment de leur vie, ou des personnes qui ont fait un chemin par d’autres méthodes, peuvent participer. Mais il se peut que suite à un stage comme celui-ci, il soit peut-être pertinent ou indiqué de revoir son thérapeute, ou son psychothérapeute, pour continuer ce travail. Un stage thérapeutique peut permettre de belles ouvertures, des possibilités de transformation et de changement, mais ce n’est pas dans un espace  de 3 jours que tout peut être changé.

Oui, bien sûr ce serait une illusion.

Ça dépend du moment où on est par rapport au blocage qu’on a ; il y a des personnes qui arrivent, mûres pour vraiment « achever » une partie d’un travail dans un stage, et pour d’autres, le stage va leur ouvrir des portes sur ce qu’elles peuvent faire, leur donner des clés, des pistes, sur ce qu’elles peuvent travailler. Ce peut être un levier pour faire un travail ultérieur…

Le titre « Être Vivre et Aimer » que nous avons choisi, en quoi c’est un bon titre pour ce stage ?

Encore une bonne question (rires). Moi ce que j’aime bien, ce sont les initiales de chaque mots, qui donnent « EVA » : c’est un processus de création au féminin. J’aime aussi l’autre façon de l’écrire : « Et VA ! » qui donne envie d’aller de l’avant !

Ça veut dire qu’il n’y a pas d’hommes qui viennent ?

Les hommes sont plus que bienvenus, mais aller explorer le dessous de nos traumas pour trouver la vitalité qu’il y a à l’intérieur de nous, en particulier pour retrouver la manière dont nous avons réagi à des situations traumatiques, ou des climats de vie difficiles. C’est dans cette manière de réagir que se trouve la marque de notre vitalité.

Comment voir des aspects de nous qui sont vus comme des blocages ou des symptômes non désirés, non souhaités ? Comment voir que, dans ces blocages, ces symptômes, il y a déjà la graine de la solution, la source d’un changement positif, d’une vitalité c.à.d. un phénomène de survie à quelque chose ? Et comment voir que cette manière de chercher la survie, a un aspect positif ? En même temps, il y a un aspect négatif, évidemment, sinon on ne serait pas si mal à l’aise avec ;

J’entends le mot trauma, je sais que tu as écrit des articles à ce propos, c’est là que ta spécialité en psychotraumatologie intervient, je suppose ?

Oui, tout à fait. En fait, l’idée de travailler sur la vitalité, et sur le thème : « Être vivre et aimer », vient aussi de cette approche des traumatismes que j’ai développée au fil des expériences et des formations que j’ai suivies, où en fait, c’est, comment dire… (blanc)

Un peu de stress ?

Besoin de respirer par rapport à ça… En fait, il y a la vitalité qui est coincée et qui est en même temps manifestée dans ces blocages, mais il y a aussi une des réponses aux traumatismes. La question est : comment je peux être plus dans ma capacité d’être… de vivre, de m’aimer : m’aimer tel que je suis, d’aimer l’autre tel qu’il est ?

Toutes sortes de bonnes questions, mais, concrètement, comment vous, les thérapeutes,  allez voir le fonctionnement interne de la personne ? Comment cela va être exprimé dans le groupe ?

… Le fonctionnement ?

La façon dont la personne a appris à fonctionner, comment allez-vous aider les personnes à le découvrir ?

Un premier aspect est d’amener les personnes à être à l’écoute d’elles-mêmes. Nous allons, par les expériences proposées, favoriser le centrage, l’attention (consciente) sur ce qui est plus essentiel en soi. Et ce centrage passe par : S’ouvrir aux perceptions !

Vous parlez des exercices au début du stage ?

Des exercices psycho-corporels, d’écoute de son cerveau droit, moins rationnel, plus émotionnel.

Il s’agit de méditation ou d’autres choses ?

S’écouter soi, ça passe par pouvoir diriger son attention de manière neutre et bienveillante vis-à-vis de soi-même, une manière d’être présent à soi et à ce qui se passe. Et c’est vrai, que c’est assez semblable à ce qu’on peut apprendre en méditation…Ici, c’est un travail d’attention dirigé vers soi, avec des moments plus passifs, ou plus actifs. Oui, il peut y avoir un aspect de méditation mais pas figé ;  c’est un état d’Être… pas un but en soi, mais un outil… un moyen d’arriver…Et à partir de là, il y a ce que la personne va vivre et ressentir, et qu’elle va pouvoir exprimer. Et à partir de là, on va mieux comprendre.

Elle l’exprime comment : elle vous le dit à vous ?

Elle le partage dans le groupe, elle exprime ce qu’elle est prête à partager

Et vous, vous êtes passives, vous posez des questions ?

On pose des questions pour déployer ce vécu, élaborer avec la personne. Pour renforcer sa capacité d’etre à l’écoute de ce quelle dit, l’aider dans ce processus.

Il y aussi ce que nous pouvons percevoir de l’extérieur, ce qu’elle nous raconte.

Je rappelle que le stage est coanimé, Comment vous partagez- vous le travail ?

Ce sont des interactions, qui se passent c.à.d.,  un peu comme dans un couple où il y a  des rôles parentaux, papa- maman qui s’occupent des enfants, ici, deux thérapeutes qui se partagent les rôles, de manière préparée à l’avance : toi tu fais ceci, moi je fais cela ! Mais aussi certains exercices psycho-corporels ou certains expériences sont proposées par l’une ou par l’autre. On se partage l’animation des exercices…

Au niveau de l’écoute, les interactions sont partagées : on écoute ensemble et à des moments non prévus, on intervient plus, chacune selon nos affinités ; cela dépend de notre spécialité, du processus du groupe, du tempo, de la demande de la personne. Certains participants vont parfois s’adresser plus à l’une ou à l’autre des thérapeutes. Avec une demande plus spécifique : au moment de travailler sa problématique personnelle, par exemple, même si, à certains moments, nous nous réservons le droit de décider de le travailler ensemble.

Et puis aussi, c’est un travail de groupe, particularité importante de ce stage : comme dans toute histoire, le groupe va entrer en résonance, en vibration avec l’histoire de la personne, et c’est important de prendre cela en compte.

Elles réagissent ?

Par le ressenti intérieur, c’est important d’écouter d’abord les choses qu’on vit en soi ;

Pas tout de suite réagir ! Il y a un temps de ressenti, un temps de parole.

Le participant témoin, par exemple, va ressentir, et penser à ce que cela lui rappelle, va penser à sa situation personnelle. C’est la résonance personnelle par rapport à sa propre histoire. Mais aussi (autre chose) : En tant que participant, je suis dépositaire d’une partie de l’histoire de la personne qui est en train de travailler, il y a des phénomènes systémiques dans un groupe : On se sent pris dans un rôle ou un ressenti, qui est en rapport avec ce que l’autre vit.

Et c’est ici qu’intervient la constellation familiale ?

C’est très important pour nous, cet aspect-là, mais il n’est pas toujours nécessairement présent. Il y aussi un autre aspect fondamental : l’histoire et le vécu affectif sont déposés dans un tissu groupal.

La personne n’est pas seule avec ses blessures, son vécu.

C’est très important, car dans les traumas, on est dans des réactions d’isolement ou dans un vécu de honte, d’isolement, comme si, on ne se sentait pas une personne bien pour être dans un groupe. La personne se sent aliénée de la communauté des humains, elle se dit peut-être : «  je suis sale, pas pure, pas adéquate, ou … je pense que je n’ai rien à faire dans un groupe. »

En même temps, je comprends que c’est important, puisqu’on parle de la solitude, que c’est nécessaire de le vivre dans un groupe, pour pouvoir la dépasser;  je suppose que c’est cela qui vous motive à travailler dans un groupe.

Oui, c’est cela qui est transformateur, ou qui va amener un enrichissement, car le vécu est plus fort. Le groupe permet une contenance plus grande pour travailler : c’est plus fort, mais aussi plus possible. C’est à dire que le groupe facilite la possibilité de partager.

On parle de groupe, il y a des règles ?

Bien sûr…

… interview menée le 28/02/2012

 

Claudia Ucros, psychologue et psychothérapeute en analyse bioénergétique, spécialiste de l’approche psycho-corporelle du traitement des traumatismes.

Marie-Eve Mespouille, psychologue et psychothérapeute, formée en analyse transactionnelle et constellations familiales et systémiqueswww.psycholoog.be/marieve.mespouille

Voir aussi : l’interview de M.-E. Mespouille